October 24, 2021

Nous publions ci-dessous la traduction française d'un texte original rédigé en anglais par notre camarade Sungur Savran du DIP de Turquie.

Disciplinés, nourris des plus basses ordures idéologiques, envoûtés par le sentiment de supériorité qui découle des anciens exploits coloniaux de la civilisation européenne et de leur propre pays, pleins de rage contre l'immigrant et le réfugié qui, selon eux, leur a volé leur emploi, leur logement, leurs services éducatifs et de santé, une foule pleine de zèle missionnaire. Il ne manque que leurs milices, leurs forces paramilitaires, leurs bandes de voyous. Mais c'est précisément pour cela que nous ne les qualifions pas de fascistes, mais de proto-fascistes. Le fait qu'ils puissent surmonter cette lacune en un clin d'œil a été démontré à Charlottesville, en Virginie, lors des événements de l'été 2017, ou dans les villes allemandes de Chemnitz et Köthen à l'automne dernier, ou encore dans la chaîne d'événements au cours desquels des travailleurs agricoles immigrés noirs ont été attaqués (et parfois tués) en Italie après l'arrivée au pouvoir de Salvini dans un gouvernement de coalition l'année dernière. (voir: http://redmed.org/article/european-elections-iron-and-cotton)

C'est ce que nous avions à dire sur l'état du mouvement fasciste international il y a un peu plus de deux ans, au lendemain des élections au Parlement européen de juin 2019. Notre prédiction d'une transformation du mouvement "en un clin d'œil" est récemment devenue la norme dans de nombreux pays. Proche de sa fin maintenant, 2021 laissera sa marque dans l'histoire du 21e siècle comme l'année du "coming out" du fascisme. L'année a été littéralement ouverte par la prise d'assaut du Capitole par les partisans de Trump le 6 janvier (http://redmed.org/article/trumps-abortive-march-rome). Elle a été suivie par la déclaration des généraux français (http://redmed.org/article/putschist-french-generals-threaten-civil-war-p...) menaçant d'une guerre civile, d'un coup d'État militaire et de milliers de morts le 21 avril, soit exactement le jour du 60e anniversaire du coup d'État manqué de l'OEA en 1961 pendant la guerre d'Algérie. Le spectre du fascisme s'est ensuite déplacé vers l'est, en Inde, où, dès le 8 septembre, les voyous du Bharatiya Janata Party (BJP) au pouvoir ont saccagé les bureaux du Communist Party of India-Marxist (CPI-M) dans l'État de Tripura et incendié de nombreux bâtiments (http://redmed.org/article/fascist-arson-india) Et maintenant, nous avons bouclé la boucle dans le temps et l'espace, vers le pays qui a introduit pour la première fois un régime fasciste dans le monde en 1922, l'Italie.

 

Le 9 octobre, les fascistes de Nuova Forza, profitant de l'occasion d'une manifestation anti-vax et anti-passe à Rome, ont d'abord essayé de s'approcher de Montecitorio, le palais où se réunit le parlement italien, manifestement dans le but de répéter l'exploit de leurs frères aux États-Unis, à savoir s'emparer du symbole de la souveraineté nationale dans le pays (étrangement, il y a une certaine incohérence dans les nouvelles, d'autres sources parlant du Palazzo Chigi, le siège du gouvernement, mais cela ne fait guère de différence). La capture de cette cible s'étant avérée impossible, ils se sont ensuite tournés vers le siège voisin de la plus grande confédération syndicale d'Italie, la Cgil, sous l'égide de laquelle sont organisés des millions de travailleurs italiens. Ils ont pris d'assaut le bâtiment, ont réussi à écarter les forces de sécurité présentes, sont entrés dans le bâtiment et ont vandalisé l'intérieur.

 

Pourquoi qualifions-nous ces incidents de sortie du fascisme ? Parce que le fascisme existait déjà depuis des années (et même des décennies dans certains cas) dans tous ces pays. Mais il se cachait. Il essayait de se cacher sous d'autres formes, tout en gagnant en force et en se construisant de nouveaux emplacements. Et le monde entier a détourné le regard. Plutôt que d'appeler un chat un chat, l'intelligentsia, de droite comme de gauche, a qualifié de populiste la montée du mouvement fasciste et a rejeté les voix d'une minorité qui mettait en garde contre la menace que représentait le fascisme, principalement mais pas exclusivement dans les pays impérialistes. Nous avons qualifié le mouvement général de proto-fasciste parce qu'il ne s'affirmait pas ouvertement comme fasciste et tentait même de dédiaboliser son image comme Marine Le Pen tente de le faire en France depuis plus d'une décennie. C'était un fascisme de l'ombre. Plus important encore, aucun de ces mouvements n'était armé, aucun n'avait de forces paramilitaires, aucun ne recourait à la violence contre la classe ouvrière et d'autres forces (l'exception parmi les quatre étant l'Inde, sur laquelle nous reviendrons), mais utilisait simplement un langage violent et parfois même grossier contre les ennemis du fascisme, quels qu'ils soient dans les différents contextes de ces pays.

Ils ont maintenant tous fait leur coming out. Mais la majorité de la gauche continue de détourner le regard.

La signification des quatre événements

La série d'événements qui ont parsemé le paysage en 2021 implique que le proto-fascisme montant est maintenant entré dans une nouvelle étape de transition vers un fascisme à part entière. Dans un article à paraître dans la publication annuelle en langue anglaise de notre revue théorique, Marxisme révolutionnaire 2021 (à paraître en novembre), nous examinons ce processus de manière beaucoup plus détaillée que nous ne pouvons le faire ici. Nous abordons la situation actuelle dans les trois pays impérialistes en question, les États-Unis, la France et l'Italie. (Nous notons cependant qu'au moment où cet article a été terminé et envoyé pour publication, les événements en Inde et en Italie que nous avons mentionnés dans l'introduction de ce bref article n'avaient pas encore eu lieu). Nous ne donnerons donc ici que les grandes lignes de notre argumentation à paraître dans Marxisme révolutionnaire 2021, renvoyant le lecteur à la version plus longue qui y figure pour un traitement plus complet. La portée de cet article couvre, en particulier, une critique approfondie de l'école du populisme et des marxistes qui, pendant des années, ont nié la nature fasciste des forces dont nous discutons, dans certains cas en pleine connaissance de tous les avertissements que nous avons faits tout au long de la période depuis le début de la troisième Grande Dépression en 2008.

 

Les quatre pays ont évidemment leurs spécificités. Passons rapidement en revue la signification de l'événement de 2021 que nous avons évoqué dans le cas de chaque pays.

 

Aux États-Unis, la gauche a rejeté l'appellation de fasciste (ou plus précisément, selon nous, de proto-fasciste) pour Trump. L'événement du 6 janvier a prouvé, comme nous l'avions averti précédemment, que Trump s'était tourné vers l'organisation de forces paramilitaires qui se préparaient à prendre le pouvoir par des moyens violents s'il y était contraint. Des bandes de voyous comme Proud Boys, Oath Keepers et Three Percenters ont été la force motrice parmi les hordes qui ont pris d'assaut le Capitole. En outre, Trump contrôle désormais presque entièrement le Parti républicain, de sorte que le proto-fascisme américain n'est plus celui d'un général sans armée, comme il l'a été pendant longtemps au cours du mandat de Trump. Dès lors que Trump s'est manifesté par une tentative de prise de pouvoir par la force et qu'il est désormais équipé de forces de la rue, cela implique que son proto-fascisme se transforme de plus en plus en un modèle ordinaire de montée du fascisme.

 

En France, c'était, jusqu'à très récemment, non seulement la montée spectaculaire du parti Rassemblement national de Marine Le Pen (anciennement Front national), mais toute l'atmosphère politique qui tombait sous l'influence d'une culture politique fasciste. Le gouvernement Macron, supposément libéral, était devenu un gouvernement lourdement répressif dans sa tentative désespérée de voler des voix à Marine Le Pen, que Macron considérait comme son formidable rival au second tour des élections présidentielles de 2022. On a également assisté à l'ascension de tout un ensemble de démagogues, de philosophes, de journalistes et d'intellectuels publics de toutes sortes, qui ont contribué à l'atmosphère empoisonnée de racisme propagée par le parti Le Pen pendant des décennies. A l'approche des élections présidentielles d'avril 2022, au moins un autre rival menaçant est apparu à l'horizon, un certain Eric Zemmour, antiraciste et antimusulman forcené, qui suscite de plus en plus l'attention d'un électorat non négligeable. C'est dans cette ambiance que le pronunciamiento des généraux est intervenu en avril. Que Marine Le Pen se soit attachée aux inquiétudes des généraux et ait invité ces putschistes dans son parti afin d'atteindre leurs objectifs communs par des méthodes dites démocratiques suggère qu'elle est ouverte à utiliser un certain courant dans les forces armées parmi ses instruments coercitifs. Mais le proto-fascisme français ne dispose toujours pas de forces paramilitaires propres dans les rues. Cependant, il existe d'autres organisations telles que l'Action française ou Génération identitaire (cette dernière récemment interdite par le gouvernement mais toujours active de manière détournée), des organisations ouvertement fascistes par opposition au parti de Le Pen et qui peuvent facilement former les forces de rue d'un fascisme naissant, aux côtés de la bande de généraux qui menace de guerre civile. Dans l'ensemble, il ne serait sûrement pas exagéré de dire que le fascisme français assume désormais ses couleurs de manière plus audacieuse et qu'il entame ainsi une transition entre des décennies d'existence déguisée et une orientation ouvertement fasciste.

 

L'Inde est un cas à part. Le BJP est, en fait, le produit secondaire d'une organisation paramilitaire ouvertement fasciste qui est née pendant la première vague classique du fascisme dans les années 1930, comme l'a admirablement montré notre camarade Burak Gürel dans son étude approfondie de la scène indienne. Ainsi, dans le cas du BJP, il n'est pas possible de parler de proto-fascisme, mais d'un fascisme en attente, pour ainsi dire, qui attend le jour où les conditions deviendront entièrement propices à la prise du pouvoir de manière absolutiste et à la mise en œuvre de son programme de nationalisme hindutva fou, ainsi qu'à l'élimination de toutes les organisations de la classe ouvrière qui sont indépendantes de son régime absolutiste. Ainsi, la signification des attaques du 8 septembre contre le CPI-M est différente de la caractéristique commune aux trois autres cas. Ces derniers cas peuvent se résumer au recours à la violence ou à la menace de violence. Pour sa part, le fascisme indien s'est constamment engagé dans des attaques violentes, impliquant de grandes masses, au cours des dernières décennies, avant même qu'il n'arrive au pouvoir au niveau central. Mais il s'agissait toujours d'attaques contre les populations minoritaires, principalement les musulmans, la plus grande minorité communautaire, mais aussi, moins fréquemment, les chrétiens, les sikhs et d'autres. L'attaque sanglante contre les étudiants et le corps enseignant de l'université Jawaharlal Nehru à Delhi en janvier 2020 a fait diversion. C'était une attaque contre l'intelligentsia de gauche, pas encore contre le mouvement ouvrier. Les événements de Tripura montrent, à notre avis, que le BJP teste le mouvement politique ouvrier, composé principalement de deux partis communistes autoproclamés (le CPI et le CPI-M) (le troisième parti communiste, les Naxalites, qui se battent toujours, au fil des décennies, dans les jungles, est un cas entièrement distinct), pour voir s'il peut élever la barre pour une éventuelle prise de pouvoir fasciste à l'avenir. Toutefois, compte tenu de la résilience du mouvement paysan qui lutte militairement contre les trois lois pro-agriculture depuis près d'une année entière et des luttes plutôt militantes de certains syndicats, sa tâche semble redoutable. Néanmoins, les attaques de Tripura peuvent être le signal d'une nouvelle période dans la lutte des classes en Inde.

L'Italie, un deuxième centre névralgique des luttes de classe en Europe

 

Le dernier événement survenu en Italie mérite que l'on s'y attarde. Pour poser les jalons de notre thèse principale, commençons par dépeindre la situation en Europe à grands traits de pinceau. Il n'y a aucun doute que les luttes de classe sur le continent européen ont pris un dur coup sous l'effet combiné de la montée de l'eurocommunisme et de la liquidation conséquente même des partis nationaux-communistes qui étaient un acteur décisif dans leurs pays respectifs, le triomphe obtenu par le néo-libéralisme thatchérien comme stratégie d'attaque contre les acquis de la classe ouvrière, la capitulation totale devant cet assaut néolibéral des partis dits "socialistes"  ou "sociaux-démocrates"  du continent, qu'il convient désormais d'appeler par le nom plus approprié de social-capitaliste, et le coup de grâce donné par la chute du mur de Berlin et la dissolution de l'État né de la Révolution d'Octobre 1917, l'Union Soviétique. Le XXIe siècle n'a donc pas été exactement une période vibrante pour les luttes de la classe ouvrière sur le continent, à quelques exceptions près ici et là.

 

Cependant, un changement radical s'est produit en France depuis 2016. Les luttes contre la Loi du travail, dite Loi El Khomry, (voir l'article dans Marxisme révolutionnaire 2017 de notre camarade Savas Mikhail-Matsas) sous le président social-capitaliste François Hollande, qui a été repris par de larges pans de la société française avec les travailleurs (le mouvement dit des "Nuits Debout" était assez similaire au "Mouvement des places"  de 2011 en Espagne et en Grèce et au soulèvement de Gezi de 2013 en Turquie), les luttes successives sous Macron, notamment la lutte menée contre un nouveau régime de retraite, et le mouvement des Gilets jaunes qui a duré plus d'un an jusqu'à ce que la pandémie le dissolve, ont ajouté des années d'effervescence dans ce pays à la longue histoire révolutionnaire. La France a ainsi été au centre des luttes de classe en Europe dans la période récente.

 

L'Italie est le deuxième pays après la France en termes de perspectives de batailles décisives entre les forces réactionnaires et la classe ouvrière et les autres couches opprimées de la société. C'est un pays où le fascisme n'a jamais été entièrement pulvérisé (comme par exemple en Allemagne pendant un certain temps) et qui voit maintenant le plus réactionnaire des mouvements se lever à l'horizon sous de multiples formes. Il y a le proto-fascisme opportuniste de la Ligue, qui sous Matteo Salvini s'est transformé très consciemment en une réplique et un allié du parti de Marine Le Pen au milieu des années 2010 (sur Salvini, voir l'article de notre camarade B. S.). Il y a l'héritier organisationnel et idéologique du parti de Mussolini, Fratelli d'Italia, dirigé par une femme de feu Georgia Meloni, qui suit désormais de près la Ligue de Salvini dans les sondages d'opinion. Les deux partis, la Ligue et le Fratelli d'Italia (Frères d'Italie, dirigé ironiquement par une femme !) de Meloni, recueillent ensemble plus de 40% des intentions de vote dans les récentes études d'opinion. Mais à côté de ces partis que l'on peut qualifier à juste titre de "proto-fascistes" , il en existe d'autres, beaucoup plus ouvertement fascistes : Forza nuova (Force nouvelle), qui était l'organisation au centre de la prise d'assaut de la confédération syndicale Cgil, et Casa Pound (la Maison Pound, nommée, étrangement, d'après l'illustre poète américain Ezra Pound, ami du régime fasciste de Mussolini dans l'entre-deux-guerres).

 

La gauche n'est pas en mesure de contrer la formidable montée de la peste fasciste. L'ancien formidable parti communiste stalinien, devenu eurocommuniste dans les années 1970, le plus fort parti de ce type dans le monde capitaliste, s'est tout simplement évaporé dans les années 1990, pour finalement devenir un insipide parti démocrate, modelé sur son homonyme américain. Les forces qui ont résisté à la rupture du mouvement avec la tradition communiste, quelle qu'en soit la définition, se sont unies dans la soi-disant Rifondazione comunista (Refondation communiste), rassemblant non seulement des restes de l'ancien parti mais aussi des forces trotskystes et centristes. Cependant, ce parti a sombré dans la tradition de collaboration de classe qui était devenue centrale dans le national-communisme de l'ancien parti communiste italien, le Pci. L'échec de cette dernière tentative d'un parti ayant une influence de masse a laissé derrière lui une pléthore de partis, certains véritablement révolutionnaires, d'autres subjectivement, mais la gauche italienne est extrêmement divisée et ne semble pas capable de rassembler les forces nécessaires pour lutter contre la montée du fascisme.

 

Cependant, l'Italie a une tradition de lutte ouvrière remarquablement militante depuis la fin des années 1960 et le mouvement syndical est toujours une force avec laquelle il faut compter. Il y a les trois confédérations traditionnelles, la Cgil, la Cisl} et l'Uil, qui, malgré leur structure rigidement bureaucratique dans leurs différentes modalités, ont au moins la tradition d'agir à l'unisson lorsqu'elles sont attaquées, qu'il s'agisse d'une offensive anti-ouvrière ou d'une loi qui élimine les positions de longue date de la classe ouvrière. Il y a, ensuite, les syndicats dits de base, plus militants, mais plus faibles dans leur suivi, comme la COBAS et la COBAS Si, qui ne s'interdisent pas de participer à des actions de type front uni. Ainsi, la réponse des syndicats à la prise d'assaut fasciste du siège de la Cgil a été unifiée et robuste. A l'appel des syndicats, 200000 personnes se sont rassemblées à Rome, dont d'importants contingents de jeunes, pour protester contre l'assaut du fascisme contre le mouvement ouvrier. Un mot sur la jeunesse : sous l'effet combiné de la pulvérisation de la gauche révolutionnaire et centriste et de l'influence persistante de l'idéologie "autonomiste-marxiste" /semi-anarchiste qui dominait la gauche italienne à son apogée, il existe plusieurs centaines d'organisations locales dans toute l'Italie qui rassemblent dans des types de lutte très différents à la fois la jeunesse étudiante et la jeunesse ouvrière des secteurs marginalisés de la société. Sur certaines questions importantes pour eux, ils sont assez combatifs. C'est un atout important dans la lutte contre le fascisme si un centre de la classe ouvrière adoptant une orientation de front uni est capable de rassembler sous son égide de grandes masses de la population ouvrière.

L'Italie est un pays déchiré par de graves problèmes. Elle a la dette publique la plus élevée du continent, alors que son économie stagne depuis le début du nouveau siècle. La Commission européenne a réservé à l'Italie la plus grande partie de ses fonds d'aide à la pandémie Covid-19 et, après avoir manœuvré pour faire tomber un précédent gouvernement de coalition, a confié l'exécution de ce dernier programme désespéré pour sortir l'Italie de sa torpeur à un serviteur accompli de l'impérialisme européen, Mario Draghi, ancien gouverneur de la Banque centrale européenne. Cette période de transition est alors d'une importance vitale pour la bourgeoisie italienne et européenne et l'irruption du fascisme au milieu de ce travail ardu de Draghi peut s'avérer fatale à l'ensemble du projet

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Le fascisme comme (faux) sauveur de dernier recours pour la bourgeoisie impérialiste

 

Quels que soient les aléas et les contingences qui s'emparent de tous ces pays et d'autres, un point d'une importance primordiale doit être souligné. Il s'agit du second avènement du fascisme. La première vague de fascisme qui s'est levée dans l'entre-deux-guerres du 20e siècle était la réponse de certaines fractions de la bourgeoisie internationale à l'impasse créée par les contradictions d'un capitalisme en déclin, se manifestant par la Grande Dépression des années 1930. Ces fractions ont opté pour le salut national lorsqu'une solution internationale n'était tout simplement pas à l'horizon. Cependant, le fascisme lui-même n'était pas une solution dans un monde où la socialisation des forces productives et l'internationalisation du capital excluaient les solutions nationales. Le résultat dialectique a été la Seconde Guerre mondiale, qui a entraîné une dévastation et des morts innombrables.

 

Nous sommes confrontés à la deuxième vague de fascisme dans le contexte d'une nouvelle grande dépression (que nous appelons la troisième grande dépression, car la grande dépression domestique des années 1930 a été précédée d'une autre, moins connue, à la fin du XIXe siècle). Une fraction toujours plus grande de la bourgeoisie dans différents pays emprunte la voie d'Hitler et de Mussolini. Le fait qu'ils n'égalent pas Hitler et Mussolini par leur stature ne doit tromper personne, et encore moins les marxistes : quelle que soit l'importance de leur rôle dans l'histoire, les individus sont, en dernière instance, les exécuteurs du programme des classes et des fractions de classe. La bourgeoisie internationale meurt d'envie de trouver une solution à ses problèmes insurmontables. Si aucun Hitler n'apparaît, elle devra se contenter de ceux de l'acabit de Trump.

Sungur Savran, DIP, Istanbul, le 23 octobre 2021.